Le cycle de la vigne en hiver
Le passage à l’heure d’hiver est effectif. Les températures baissent et l’automne s’installe inexorablement. Les soirées devant le feu de la cheminée se font de plus en plus attractives et récurrentes. Dehors, les espèces animales se dispersent, certaines hibernent, d’autres migrent pour échapper à la rigueur du climat défavorable à une disponibilité abondante de nourriture. Au vignoble, après les vendanges, une période délicate s’amorce pour la vigne : la période de repos végétatif de novembre à mars. Que s’y passe-t-il vraiment pendant ces cinq mois ?
La dormance
La période hivernale est synonyme pour la vigne d’une période de sommeil appelée la dormance. Les feuilles se parent de couleurs chatoyantes et chaudes avant de tomber, la sève descend dans les racines, la vigne s’endort jusqu’à son prochain cycle végétatif. Ce repos de la vigne qui va de décembre à mars implique qu’il n’y aura plus de photosynthèse jusqu’au printemps prochain.
Les feuilles
@Stéphane Klein
Avec la fin des vendanges et l’arrivée de l’automne, les feuilles des vignes sont soumises à trois phénomènes :
– la migration des dernières réserves dans le bois. La majorité des réserves glucidiques (sucres, amidon) et matières azotées (protéines) sont produites par la vigne tout au long de son cycle, et stockées en fin de cycle dans les bois et racines. Ces réserves sont rapidement mises à contribution pour lutter contre les conditions climatiques extrêmes de l’hiver. Le démarrage de la vigne au printemps est très dépendant des réserves emmagasinées l’année précédente. Il nécessite donc de la part du vigneron une anticipation des besoins nutritionnels : implantation de couverts végétaux en vue de la production de biomasse, combinaison de biostimulants et d’éléments nutritifs.
– la destruction de la chlorophylle. Pigment abondant dans les feuilles pendant toute leur phase de croissance, la chlorophylle est impliquée dans la photosynthèse qui transforme l’énergie lumineuse en énergie chimique et finalement en matière organique. A l’automne, avec la chute des températures et la diminution de la luminosité, la chlorophylle commence à se dégrader pendant la sénescence. La couleur verte n’est de ce fait plus majoritairement réfléchie par ce pigment.
– le développement de liège à la base du pétiole. Une fois que tous les éléments précieux ont été stockés, un bouchon de liège se forme à la base du pétiole, créant ainsi des cicatrices. Ce bouchon bloque l’alimentation en eau de la feuille et constitue une zone de rupture. Le moindre souffle de vent suffit alors à faire tomber la feuille qui n’est plus alimentée. Le bouchon de liège qui reste à la base du pétiole protège par ailleurs le cep d’attaques de bactéries ou de champignons.
Les travaux d’hiver de la vigne
Le doux silence qui règne dans les vignes en hiver ne doit pas vous leurrer : le viticulteur conjugue la vinification et l’élevage de ses vins avec l’entretien des vignes. Les travaux hivernaux de la vigne peuvent commencer en préparation de la prochaine campagne.
Le paillage
Pour protéger le pied de vigne du gel, le vigneron peut faire le choix de le recouvrir d’un couvert organique : c’est le paillage. Le paillage sous les rangs de vignes est utilisé également comme alternative au désherbage chimique ou mécanique. Une deuxième couche de paillage sous le rang dans le courant du mois de mars peut être envisagée par le viticulteur afin de compenser le tassement qui s’opère au fil des semaines. Un mélange de plusieurs essences dans le paillage amènera une certaine diversité au niveau de l’humus produit.
La taille
La température descend en-dessous de 10°C, le cep ralentit sa vie. La vigne étant une plante de la famille des lianes, elle a tendance à pousser de manière anarchique. Il faut donc profiter de l’hiver où la vigne est en dormance et où la sève ne circule plus pour s’atteler à la taille. Le vigneron taille les sarments de sa vigne afin de préparer la floraison du printemps. En général, la taille a lieu en janvier et février selon les régions et la rigueur du climat. La taille de la vigne est propre au viticulteur et à une région. Chaque région, en fonction de son cépage, de la densité de pieds à l’hectare et de nombreux autres facteurs adoptera un type de taille différent. Au château La Rose Perrière, la taille en Guyot double a été choisie. L’objectif de la taille est de favoriser l’apparition de nouveaux sarments pour renouveler les rameaux porteurs de fruits.
En effet, les grappes de raisins se formeront sur le bois de l’année. Ainsi, le viticulteur se concentrera pendant cette phase sur les sarments de l’année écoulée.
La tombée ou le tirage des bois
Une fois la taille de la vigne effectuée, il est important d’ôter tous les morceaux de bois restants afin de ne pas gêner la plante et les machines. Les bois enlevés sont broyés et restitués au sol pour lui apporter des nutriments. Cela va progressivement alimenter la couche de terre végétale. Une alternative au broyage est celle de rassembler les bois en bottes de sarments qui serviront pour alimenter le feu des grillades.
Le carassonnage
Le carassonnage, ou « sécaillage », consiste à contrôler et entretenir les piquets et fils de fer servant à palisser la vigne entre le moment où l`on fait tomber les sarments issus de la taille et celui où l`on attache ceux conservés pour la récolte suivante.
Réviser toute cette installation est essentiel pour le soutien de la vigne et sa pleine santé durant son développement : les fils de fers coupés malencontreusement lors de la taille sont réparés et retendus, les piquets en acacia appelés aussi « caraçons » sont remplacés lorsqu’ils sont cassés.
What about in the southern hemisphere ?
En toute logique, le cycle de la vigne dans l’hémisphère Sud est inversé. Octobre-novembre est la période de développement : les rameaux poussent rapidement jusqu’à la floraison de la vigne. Fin décembre, la nouaison est là et les premières baies aussi. De janvier à mars, les baies se développent, la véraison et la maturation se succèdent. Les peaux des raisins changent de couleur – les cépages rouge virent au rouge puis au violet et les blancs deviennent translucides et dorés.
Vous l’aurez compris, il n’existe pas de trêve hivernale pour le viticulteur qui, comme l’éleveur, doit veiller au bien-être de ses vignes, les protéger, les nourrir et les préparer pour la phase printanière de réveil durant tous les mois d’hiver.
