Vous en avez déjà probablement entendu parler, l’agroforesterie est l’association d’arbres et de cultures annuelles ou d’élevage d’animaux sur une même parcelle. Bien que ce soit une pratique ancestrale, sa pratique, plutôt délaissée jusqu’alors, est aujourd’hui davantage mise en lumière car elle permet une meilleure utilisation des ressources, une plus grande diversité biologique et l’augmentation des rendements grâce à la création d’un microclimat favorable.
D’un point de vue sociétal, elle répond aux besoins croissants des consommateurs d’avoir un produit de qualité, avec un impact minimal sur les ressources naturelles.
Ce mode d’exploitation agricole, qui se déploie de plus en plus en viticulture, présente de nombreux bienfaits au service de performances économiques, agronomiques et environnementales. Adaptée au vignoble, on parle aussi de vitiforesterie qui répond aux enjeux actuels de durabilité de la filière viticole.
La vitiforesterie est l’agroforesterie appliquée à la viticulture et donc l’association de la plantation d’arbres à la culture de la vigne.
L’agroforesterie viticole est particulièrement adaptée pour développer une viticulture durable et productive. Adaptable à différents systèmes, elle permet de concilier la présence d’une production arboricole (bois d’œuvre, arbre fourrager, fruitier) avec une production au sol (entre les arbres). Elle repose sur 8 principes :
Véritable symbole de ruralité et des paysages de nos terroirs, 70% des haies bocagères ont pourtant disparu du paysage français depuis 1950. On peut imaginer que l'arbre est plutôt gênant pour les travaux agricoles. Au milieu ou en bordure de champ, il peut déranger pour manœuvrer avec les engins. Mais la tendance est aujourd’hui au retour en arrière, les agriculteurs et notamment les viticulteurs veulent associer l’arbre à leur activité, tournant ainsi le dos à la monoculture. L’arbre est progressivement réintégré à la vie du territoire agricole.
Adaptées aux conditions pédoclimatiques locales, les végétaux se développeront de façon optimale. Choisir des arbres et arbustes locaux revient ainsi à éviter de propager des espèces invasives qui se développent par manque de concurrence et par leur facilité d’adaptation. Elles représentent un danger pour le reste des végétaux qui ont moins de ressources à leur disposition. Par extension, les animaux dépendants de ces plantes indigènes sont également impactés. Les viticulteurs peuvent être aidés dans le choix des végétaux par le label végétal local qui garantit la provenance des arbres et arbustes. Le bon arbre au bon endroit !
En agroforesterie, on cherche à imiter le fonctionnement des écosystèmes forestiers : un étagement de différentes strates (arbres, arbustes, herbacées) pour apporter diversité et matière organique au sol. A cela s’ajoutent des techniques de conservation des sols : réduction ou arrêt du labour, couverture permanente des sols, semis directs…
Chaque essence d’arbre a ses propres caractéristiques (besoin hydrique, profondeur des racines, résistance aux maladies,..), chacune réagit donc différemment face aux aléas climatiques et écologiques (insectes, maladies, tempêtes, sécheresse). Dans l’agroforesterie, il est donc préférable de diversifier les essences d’arbres et d’arbustes. De plus, la faune préfère des haies composées d’espèces variées offrant une multitude d’habitats naturels. La diversification des essences permet aussi d’étaler la floraison et la fructification, et ainsi d’offrir de la nourriture à différentes périodes. Par exemple : l’orme et le merisier sont des espèces à fructification précoce, l’églantier et le houx produisent des baies en hiver, le chêne fructifie de septembre à mars.
En vitiforesterie, il convient de sélectionner des espèces d’arbres & d’arbustes adaptées au terroir de la vigne, diversifiées pour abriter une faune auxiliaire variée et si possible avec un feuillage léger et peu concurrentiel pour la lumière.
Au Château La Rose Perrière, 517 arbres et arbustes soit 1300 mètres linéaires d’espèces locales, grimpantes, fruitières et mellifères ont ainsi été plantés en février 2022. Cinq tilleuls, six abricotiers, huit pommiers, huit poiriers, huit pêchers, six cerisiers, huit amandiers, quarante oliviers, cinquante arbres de Judée, quarante-cinq bourdaines, quatorze cerisiers à grappes, quatre-vingt-douze cornouillers sanguins, cinquante-trois fusains d’Europe, quatre-vingt-un épines noirs, quarante-trois sureaux noirs et cinquante troènes des bois orne désormais les jardins et le pourtour du vignoble.
Dans une logique de développement durable et d’une agroforesterie pérenne, il revient de sélectionner des essences qui sauront faire face aux événements climatiques toujours plus extrêmes et fréquents. Si certaines essences telles que le noyer commun, l’érable champêtre, le châtaignier commun, le chêne vert ou encore le pommier sauvage sont adaptées au changement climatique, d’autres ne sont a contrario pas adaptées et dépériront progressivement : le chêne rouge d’Amérique, le hêtre commun, l’épicéa commun, le peuplier tremble, le douglas,…
De manière générale, les haies bocagères seront fonctionnelles et résilientes si elles sont interconnectées, on parle alors de maillage bocager, si elles ont une épaisseur suffisante et si elles sont composées d’une diversité de strates, de structures (haies basses et hautes, alignement d’arbres talus,…) et d’âges (arbres jeunes, adultes et vieillissants).
Afin de contribuer au maintien de la biodiversité, une gestion écologique doit être envisagée. Les produits phytosanitaires doivent être limités au maximum et de la même manière, le labour en profondeur qui tuent de nombreux insectes et larves logeant dans le sol. Une plantation de haie bocagère n’a ainsi de sens que si celle-ci est gérée écologiquement.
La composition d’une haie bocagère diffère en fonction des besoins de l’agriculteur. Pour créer une haie mellifère par exemple, l’agriculteur devra sélectionner des essences répondant aux besoins des pollinisateurs : le Pistachier, le Prunellier, le Cornouiller, l'Amandier, le Figuier, l'Olivier, le Frêne à fleurs, l'Arbre à miel.
Dès le départ dans l’agroforesterie, une fois les choix des essences et de la densité de plantation déterminés, il est important de planter ces dernières dans les règles de l’art. L’agriculteur-viticulteur établira son plan de plantation (densité, orientation, distances entre les rangées) et devra suivre plusieurs règles à chaque étape depuis la préparation de la terre jusqu’au suivi des plants. La période de plantation devra faire l’objet d’une attention particulière. Elle devra se dérouler en hiver, hors période de gel et de vents forts. Ces choix dépendent aussi des objectifs de l’agriculteur, des contraintes de sol, du système de production, de la dimension des machines agricoles intervenant sur les cultures…
Enfin, il ne faudra pas négliger les bandes enherbées qui seront installées avant la plantation des arbres, idéalement de 4m de largeur, et seront composées de graminées et de légumineuses. Elles contribuent ainsi au ralentissement du ruissellement, à la stabilisation des sols ainsi qu’au maintien de l’humidité.
L’intérêt de l’agroforesterie est d’étendre les impacts positifs au-delà de l’exploitation. Les haies sont de véritables voies de circulation reliant les prairies, les boisements et autres écosystèmes. Il s’agit de “corridors écologiques” qui ont un rôle de refuge, de site de reproduction et de nidification, de lieu d’alimentation. En connectant les écosystèmes, les haies bocagères permettent un brassage génétique des espèces et offre un accès facile à une multitude d’habitats.
En viticulture, une infinité d’aménagements agroforestiers peut être envisagée. L’audace, l’imagination et l’investissement financier du viticulteur seront les seules limites.
Il existe plusieurs types d’agroforesterie viticole, notamment :
Au Château La Rose Perrière, le système viticole bocager a été adopté par la Famille Sylvain. Des haies champêtres ornent le pourtour du vignoble.
Repenser l’arbre ou la haie au sein de son exploitation viticole n’a pas que des vertus paysagères. En effet, de multiples bénéfices découlent d’un projet d’agroforesterie viticole.
Les bénéfices de l’agroforesterie contre le réchauffement climatique se mesurent à l’échelle locale et mondiale.
À l’échelle locale, les arbres plantés sur des terres agricoles créent un microclimat et contribuent à protéger les cultures des aléas climatiques (vent, grand froid, sécheresse) mais également des aléas naturels tels que les inondations et les tempêtes. Sur une parcelle de vigne, les arbres et les haies permettent de “climatiser” et de réduire les stress climatiques en créant un effet de barrière et de brise-vent.
A l’échelle mondiale, de toute évidence, l'augmentation de la couverture verte aide à réduire les gaz à effet de serre grâce à la capacité de séquestration du carbone des arbres, à inverser le réchauffement climatique et à bloquer l'élévation du niveau de la mer. Lorsqu’elle est correctement mise en œuvre, l’agroforesterie permet également au fil des siècles voire des millénaires de reconstituer les aquifères profonds.
La biodiversité dans les systèmes agroforestiers est évidemment plus élevée que dans les systèmes agricoles conventionnels. Chacune des espèces rajoutées sur une zone viticole donnée complexifie l’habitat pour la faune qui peut être accueillie dans une plus grande variété. Au Château La Rose Perrière, ce sont près de 200 espèces végétales qui ont été plantées pour favoriser le développement de la biodiversité et de nos vignes.
Une terre appauvrie peut être protégée de l’érosion du sol par les plantes couvre-sol telles que les graminées à croissance naturelle dans les systèmes agroforestiers. Ceux-ci aident à stabiliser le sol en augmentant la couverture par rapport aux systèmes de culture à cycle court.
Une meilleure filtration et infiltration de l’eau dans le sol constitue un autre avantage de l’agroforesterie. Les cultures bénéficient alors d’une eau plus propre grâce à une réduction des nutriments et du ruissellement.
Source : Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la forêt
En adoptant une polyculture et en intégrant arbres, arbres fruitiers et arbustes à la parcelle de vigne, l'espace cultivable est optimisé pour accéder à une plus grande diversité de productions, voire à un complément de revenus issu de la production de miel, de la vente de fruits,…
Aussi vertueuse soit-elle, l’agroforesterie présente quelques inconvénients et reste confrontée à des défis et obstacles. En effet, les avantages de l’adoption de pratiques agroforestières et des approches durables restent encore méconnus et freine aujourd’hui encore son développement.
La mise en place d’un système agroforestier peut par ailleurs être coûteuse et nécessiter des investissements importants en matériel et en personnel qualifié. Les retours économiques d’un projet agroforestier font souvent l’objet d’idées reçues, notamment en ce qui concerne l’impact de la concurrence entre les surfaces arborées et cultivées.
La planification et la mise en œuvre d’un tel système peuvent également être complexes et nécessiter une bonne connaissance des arbres, des cultures et des animaux impliqués.
Les arbres peuvent également causer des problèmes de concurrence pour l’eau et les nutriments avec les cultures. En agroforesterie viticole, la compétition pour la lumière, l'eau et les éléments nutritifs concentre l'attention des chercheurs depuis une vingtaine d'années déjà. Les premières études dévoilent que les vignes et les arbres ne semblent pas entrer en compétition significative pour les nutriments ou l'eau, mais peuvent entrer en compétition pour la lumière.
La présence d'arbres peut augmenter la prédation des oiseaux dans les vignes. Une infrastructure appropriée doit donc être en place pour faire face aux dommages causés par les oiseaux.
Enfin, l’agroforesterie peut également ne pas être adaptée à tous les types de sols et de climats. Il peut être difficile de trouver les arbres et essences appropriés pour un site donné, et il peut être difficile de maintenir un équilibre entre les cultures et les arbres pour éviter les problèmes de concurrence. Il est donc important de bien étudier les conditions locales avant de mettre en place un système agroforestier.
L’agroforesterie souligne l’importance de l’interaction entre les cultures, les animaux et les arbres. Une synergie est alors créée lorsque différents aspects de l’environnement se complètent. Concrètement, les arbres fournissent un habitat à la faune et la faune, à son tour, contrôle les parasites. Cette synergie est gage d’un équilibre à préserver, mais requiert généralement planification, conseil et appui technique pour réussir en tout point le projet de l’agriculteur.
Comme tous les systèmes agroforestiers, les systèmes agroforestiers viticoles nécessitent des stratégies de planification et de gestion afin de maximiser les réactions synergiques entre les arbres et la vigne et de minimiser les réactions compétitives. La vitiforesterie est appréhendée aujourd’hui comme une piste sérieuse de solutions face au changement climatique, aux maladies de la vigne et à la gestion des sols.